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Le blog de Virgul

13 avril 2008

consigne 67

Intimité (Virgul)

« Il faut absolument que je pense à te le dire. Quand je les vois d’en haut, tous attablés, ils sont seuls ou ne se parlent pas. On pense beaucoup, mais on ne se parle pas assez.

Moi aussi aujourd’hui je suis seul, et je me fais la conversation, je me « dialogue » tout seul, mais c’est toi qui es dans mes pensées. Et je me dis que j’ai de la chance d’avoir quelqu’un à qui penser.

Au fond, cela fait plus de trente années que tu… comment dire ? M’occupes ? M’as envahi ? Non, il y a une connotation d’agression qui ne colle pas. Que tu es entrée dans ma vie, que tu y es installée. Ou bien est-ce moi qui t’ai attirée, qui ai ouvert grand la porte, me suis laissé envoûter? Pas une intrusion, mais une invitation à perpétuité.

Dans notre vie, j’ai gardé toute ma tête, hors confusion. Et comme les gens d’en bas, je nous vois vivre à deux. Je nous observe, et cela me surprend. Agréablement. Sereinement.

Notre histoire est comme une patine, nos regrets sont trop légers que pour porter ombrage à notre aujourd’hui, et notre envie est restée intacte de continuer demain.

Suis-je heureux ? Il y a tant de volets dans une vie et tant de choses qui nous entourent ! Si le bonheur égoïste est un état, comme un ressenti, alors oui, je suis heureux. Si le bonheur, lorsqu’il est à notre portée, est un devoir, comme une pierre, une contribution pour améliorer l’Edifice, alors oui, j’y participe.

Seul, je ne pourrais pas, je n’aurais pas pu, c’est dans ma nature. A nous deux, je me sens meilleur, et gourmand de la vie.

Mais est-ce pareil pour toi ? Avec quelle intensité ? Tu n’as pas les mots faciles, surtout ceux pour traduire les émotions. Alors il faut que je pense à te le dire, pour que tu chapardes mes mots et te les appropries »

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30 mars 2008

consigne 66

Alechinsky (Virgul)

C’est étrange, depuis que je ne travaille plus, je me sens de plus en plus fatigué.

Ce matin je me suis cependant levé plein d’entrain. Tous ceux qui l’on vue m’ont parlé avec enthousiasme de la rétrospective d’Alechinsky que je projette de visiter aujourd’hui.

Pourtant, là, dans le métro, j’hésite. Je reste en retrait et j’observe les gens qui se pressent pour l’emprunter. Je ne prendrai pas cette rame. Ils sont d’un autre monde, celui du travail, que j’ai quitté il y a deux ans. Durant 35 ans j’ai fait comme eux, j’ai partagé les mêmes horaires, nous nous côtoyions sans vraiment nous voir. Les jours se ressemblaient et nos corps, habitués à partir tôt et à rentrer tard, avaient acquis l’endurance pour tenir sur la durée, pour faire carrière comme on dit.

Soudain je souris. Carrière ? Une carrière, c’est un trou ! Un immense creux, qu’on évide et qu’on évide encore jusqu’à épuisement. Durant 35 ans je n’ai pas arrêté de creuser, usant des métros comme autant de galeries ! Mais pour extraire quoi ?

Un autre métro s’arrête, que je laisse repartir.

Je reste seul avec l’africain adossé au mur. Il semble avoir le temps, il n’est pas pressé.

Lorsque je vivais en Afrique, j’ai toujours admiré la propension qu’avaient les africains à disposer de leur temps. Ils prennent le temps, le temps leur appartient. Ils égrènent les secondes, une par une, comme un chapelet où chaque instant compte.

Perdu dans mes pensées, je reviens à la question : « Qu’est ce que j’ai bien pu extraire de ce fameux trou pendant si longtemps ? » Ni or, ni diamants, ni cuivre. A part des idées, je ne vois rien.

C’est donc ça ! Pendant 35 ans, je me suis creusé le tête ! Je suis vidé, moi ! Pas étonnant que je me sente fatigué, tant et tant d’années à me creuser la cervelle, forcément ça laisse des traces.

Devant mon air surpris, l’africain semble me comprendre. Nous ne nous parlons pas mais il semble me dire : «  Tout ce temps à utiliser ta tête pour découvrir aujourd’hui que c’est le temps que tu dois prendre ! Décidément, vous les blancs, vous avez perdu la tête . »

J’ai vraiment adoré Alechinsky.

9 mars 2008

consigne 65

Regard posé… (Virgul)

Je suis un homme.

Elle, poupée ou mannequin, est offerte à mon regard, vraiment offerte.

Elle pose. Avec humilité. Gracieusement assise sur ses chevilles, le visage de profil et légèrement baissé, elle m’invite à la regarder, à la découvrir.

Son regard qui s’évade tout en douceur vers le côté, efface toute provocation, ma gêne aussi.

Elle ose. Avec dextérité. Ses courbes harmonieusement moulées, dans la soie et le satin, sont fort justement calibrées. Un peu de peau dénudée m’incite à imaginer le reste. Les bras relevés, dégagent sa gorge, comme un écrin pour un baiser. Hola ! Voilà un regard qui fait trop voyager !

Je pose. Avec perplexité. Une question qui me taquine depuis belle lurette.

« La beauté, bien portée, est-elle si honnête qu’elle rend le désir coupable ? ». Car, au niveau des intentions, c’est comme ça qu’on perd un procès !

2 mars 2008

consigne 64

Surprise

« Il n’en a parlé à personne… ».

Et cela semble vous surprendre ! Mais mettez-vous un peu à sa place, comment aurait-il pu ?

D’abord à qui aurait-il pu se confier ?

Tout indique que cet homme vivait dans une immense solitude. Pas d’amis, traité de mufle solitaire par ses collègues, aucun contact avec les voisins et on ne lui connaît pas de famille.

En parler à un inconnu un soir de beuverie ? Ce n’était vraiment pas son genre ; ces sorties étaient « utiles », la supérette du coin, la librairie et c’est à peine s’il disait merci-bonsoir !

Et puis franchement, un peu de bon sens ; cela me serait arrivé, je n’en aurais pas parlé non plus.

Ce qui aurait du nous mettre la puce à l’oreille, c’est son absence soudaine au travail, alors qu’il sortait quand même. En rasant de plus en plus les murs, j’en conviens, mais il était déjà tellement bizarre !

Après coup, c’est vrai qu’il n’avait pas l’air très net, encore moins qu’avant. Mais de là à imaginer. Non vraiment, jamais on n’aurait pu soupçonner une histoire pareille.

Il paraît que cela arrive régulièrement, que dans ces cas là se sont souvent des gens « ordinaires », très discrets, presque des marginaux comme on dit à qui ça arrive.

Il n’empêche, maintenant il s’est barré dans les îles, il est plein aux as et il profite tout seul de son euromillion.

2 mars 2008

Consigne 63

Errance

J’ai sorti mon cahier à couverture rouge de mon grand sac  et je me suis assis en face de la grille condamnée, fasciné par le nœud constitué de la chaîne lourde et des deux cadenas puissants qui en interdisaient l’ouverture.

La grille, rouillée, était ancienne alors que les cadenas - la brillance encore présente du métal en témoignait -  étaient récents.

Comme si le présent voulait interdire l’accès au passé.

Ce qui m’intriguait, me choquait même, c’était la violence de cette interdiction !

L’épaisseur des maillons et des anneaux, l’éclat froid des courbes d’acier enchevêtrées, signifiaient ostensiblement une interdiction ferme, définitive, irrémédiable.

Mal à l’aise, je notais dans mon cahier : « Quelqu’un d’aujourd’hui a décidé froidement d’interdire la rencontre du présent et de son histoire ».

A peine avais je écrit ces mots que je perçus l’ampleur de leur horrible signification !

Comment le présent pourrait-il vivre sans son passé ?

Pire que la séparation d’un enfant de sa mère, le présent n’est rien sans son histoire.

Décroché, suspendu, il n’a aucun début.

Amputé de son origine il est condamné à errer sans aucune identité, sans base ni aucune construction possible, aucune racine pour le retenir, pour l’ancrer.

Ballotté de toutes parts il se heurte aux évènements sans rien pouvoir interpréter ni comprendre.

Un présent sans son passé a pour unique destin de SUBIR.

Quelle horreur !

Encore étourdi par la gravité de ce que je venais de réaliser j’ajoutai dans mon cahier : « C’est un crime ! ».

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27 janvier 2008

consigne 62

Umutessi (Virgul)

« Mes biens chers frères », c’est ainsi que le père Paul entama son homélie dans la chapelle privée de la famille Dewit.

« Nous voici un an, jour pour jour, après la mort de votre père Antoine. Un peu avant sa mort il m’a fait promettre de vous lire une lettre qu’il avait reçue de quelqu’un auquel il tenait énormément. En voici donc le contenu. »

«  Antoine, je t’écris pour t’annoncer une bien triste nouvelle. Umutessi, ma mère, vient de nous quitter. Elle repose maintenant au pied de l’église de la paroisse de Butare. Elle y a vécu une vie digne, dispensant à sa famille et à ses proches un amour et un dévouement à la hauteur de sa grande générosité. Nous l’adorions tous et elle nous manque cruellement.

C’est un soir, alors que nous étions tous deux assis devant la case autour du feu, qu’Umutessi m’a parlé de toi pour la première fois. Elle cuisait les galettes de manioc pendant que moi je sirotais mon pombé en l’écoutant. Le crépitement du feu et les chants des crickets accompagnaient sa voix douce. Elle me racontait votre rencontre et comment, au travers de tes yeux, elle avait appris à encore plus aimer son pays, le pays des mille collines, le Rwanda. Elle me disait comment tu sentais les odeurs fortes et boucanées des brûlis, les parfums lourds de la papaye et du maracuja. Le bleu, pur et profond, du ciel en saison des pluies, la lumière éclatante à laquelle tes yeux bleu n’étaient pas préparés. La savane dorée de l’Akaghera qui ondoyait sous le vent chaud, la beauté gracile des impalas effarouchés.

Elle me racontait comment ces contrastes d’odeurs et de couleurs t’avaient émerveillé, et comment sa beauté à elle, Umutessi, s’inscrivait aussi dans ton regard. Jamais elle ne s’était vue aussi belle ni sentie aussi aimée.

Elle m’a parlé de toi, de ta vie en Europe, que tu étais un grand bwana d’une usine de bière et que tu avais cinq fils.

J’ai aussi compris pourquoi ma peau était plus claire que celle de mes cousins. Antoine, maintenant que ma mère est partie, je pense avec nostalgie à mes racines et à mes frères. Leur as-tu dit que je m’appelle André ? »

19 janvier 2008

consigne 61

Le renouveau (Virgul)

J’ai bien fait le tour de la question, se dit Florence.

Bon, primo avec Hubert.

Ce crétin m’a fait un mal de gueux en me dédaignant pour cette donzelle sur ses échasses, jean moulé et obus pointés. Rien ne m’énervait plus que les yeux de merlan frits d’Hubert au bras de l’autre qui vacillait sur ces hauts talons.

Quel imbécile ! Avec ses vingt ans de plus et ses quinze centimètres de moins, rentrer son ventre n’effacera jamais le ridicule. Je m’en veux encore d’avoir pu aimer un type devenu aussi stupide.

J’ai souffert. Beaucoup. Ce genre  « d’expérience » est loin d’être valorisante. Mais mon mépris pour lui m’a aidé à m’en détacher.

Donc Hubert, au placard !

Secundo, mon job.

Pas facile de rester au top quant on est trompée et que le couple sombre.

Les nuits d’attente et d’insomnie ne favorisaient pas la concentration au boulot les lendemains. Mes yeux enflés ne convainquaient plus ni mes « supérieurs », ni mes clients. Mieux vaut garder le regard alerte pour conserver sa crédibilité. Plusieurs avertissements, retraits de dossiers importants et mise à l’écart progressive.

J’ai du souquer ferme pour redresser la barre !

Pas de pitié dans la profession. Les jeunes loups guettent et profitent de la moindre de vos faiblesses pour se faire valoir.

C’est cette hostilité, et ma fierté aussi, qui m’ont aidée à me remettre debout.

J’ai, pas à pas, regagné la confiance et les loups ont raté leur festin.

Ce matin, après une première nuit sans angoisse depuis des mois, je me suis éveillée complètement détendue, dans un état feutré d’abandon et de sérénité totale.

Une grande clarté m’habitait, comme une évidence, projetant l’ombre d’une main salvatrice appuyée sur le volet, et laissant inonder ma chambre de toutes les promesses de jours meilleurs.

16 décembre 2007

consigne 60

La nature fait bien les choses !

C’est dingue ce que ça a chahuté à l’extérieur, se dit Ovule. Y-a-pas  photo, ils ont mis la gomme ! Et effectivement, d’après le raffut et les cris, il y avait bien plus que du bonheur. Pas de soucis de ce côté là, ça avait l’air trop top.

Le calme est maintenant revenu après la tempête, et quelque part, après la bousculade, cela fait du bien.

Ils vont bientôt arriver, j’ai juste le temps de récupérer.

Après, j’ai envie de dire, un « séisme » pareil, je me doute qu’ils seront nombreux.

Il faudra pourtant choisir.

Ah ! Voilà les premiers. Bon Dieu, ils ne sont vraiment pas les seuls, c’est toute une horde qui les suit !

Oui mais non, pas tous ensemble ! Allez du vent ! Trop gros, trop petit, trop maigre, trop faible, trop timide, trop impatient, trop bagarreur..

Y en a plein qui se battent entre eux et qui ne se préoccupent plus du tout de moi.

Au bout d’un moment, il n’en reste plus que deux, tout à fait comme il faut.

« Salut Ovule, moi je suis Sperma et lui c’est Spermo, lequel de nous deux

préfères- tu ? »

La colle !

J’ai pas de préférence moi ! Et les conséquences ! Vous imaginez les conséquences ! Fille ou garçon ? C’est pas à moi à décider quand même ! On m’a rien dit, c’est trop grave comme décision, je ne peux et je ne veux pas choisir !

Mais…qu’est ce qui se passe ?

Oh là! ça recommence, après le choc me voilà ramenée contre la paroi et, juste un petit temps d’inattention, qu’un des deux a forcé ma porte et que l’autre a détalé.

19 novembre 2007

consigne 58

Vers l’autre rive (Virgul)

Je n’ai pas mis les bonnes chaussures ce matin. Il fait plus froid que je ne le pensais.

Le soleil trop bas paresse encore et ses rayons peinent à adoucir l’air glacial et piquant.

Je traverse souvent cette passerelle, à toute heure du jour ou de la nuit, c’est selon.

Je connais tous ceux que je croise, bien plus qu’ils ne l’imaginent !

Comme Valérie, qui vient de passer et qui, trop pressée ce matin, a fait un shampoing sec plutôt qu’un brushing.

Et le petit Julien devant moi. Ce n’est pas son cartable trop lourd qui lui voûte les épaules, mais hier soir il a préféré son Nitendo à son devoir de maths et il va se faire gronder. Par Elodie, son institutrice. C’est son anniversaire aujourd’hui à Elodie. Julien a de la chance, elle sera moins sévère.

Sylvain, le garagiste, en grande conversation avec André.

Il en fait trop André, j’irai d’ailleurs le voir lundi prochain. Sa boîte marche du tonnerre, Président de son Club, il fait aussi de la politique et bien sûr, André a une maîtresse, Claire, jeune juriste, belle et ambitieuse.

Tiens, voilà madame Babette, celle qui vend des madeleines ! Toujours bon pied bon œil et d’humeur aussi douce que les biscuits qu’elle vend.

Je les connais tous et eux pourtant ne me remettent pas.

Notez que je les comprends.

Ce matin, c’est chez Gaspard que je me rends.

C’est toujours le même scénario, avec les précédents aussi, toujours pareil.

J’ouvre la porte, je dis « bonjour Gaspard, c’est l’heure », et là, les yeux tout ronds, dans un regard d’effroi, le dernier, Gaspard me reconnaît.

3 novembre 2007

consigne 57

Un doux exutoire.(Virgul)

Tante Babette prit une profonde inspiration.

Tant de souvenirs lui remplissent la tête et dessinent un sourire hésitant sur ses lèvres.

C’est le contraste entre les mille joies passées et la triste fatalité du présent qui font trembler son regard. Une larme avortée lui brouille la vue, dans un mirage trouble où l’acceptation ne parvient pas encore à effacer l’immense chagrin.

Cela fait deux jours et deux nuits que Babette mélange œufs, farine, sucre. Pétrit la pâte, remplit les moules, enfourne et entrepose. Une obsession, jusqu’à l’épuisement.

Deux jours et deux nuits que Babette revit les espiègleries de votre enfance, les fou-rires et les émois de votre jeunesse, la longue et heureuse complicité que vous avez  toujours partagée.

Deux jours et deux nuits d’excès, comme ceux où tu l’entraînais parfois, Babette la sage et toi l’imprévisible, son amie de toujours, son autre.

Aujourd’hui, dans sa vitrine, Babette a remplacé les tartes et les gâteaux par ces centaines de biscuits, ronds, moelleux et dorés, qui te rappellent et portent ton nom. Oh Madeleine comme tu lui manques

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